LE HASARD DE LA PROGRAMMATION

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      Durand-Durant ou Le Hasard de la programmationle roman d'amitié qui fleure bon Mons dans les années 80

      Philippe Durant va bientôt fêter ses quarante ans. Dans sa tête, il en a quinze. Ses références sont restées figées en 1986. Il s’habille années quatre-vingt. Il pense années quatre-vingt. Il rêve années quatre-vingt. D’animateur radio à présentateur télé d’une émission à succès, il mettra tout en œuvre pour maintenir intacte cette énigmatique nostalgie. Jusqu’à ce que son futur le rattrape...

      Premières lignes

      Si Madonna et Bono avaient eu une relation, le fruit de leur union aurait à coup sûr ressemblé à Philippe Durant.
      Quiconque le croisait imaginait facilement une telle filiation tant le mimétisme était prodigieux. De la sulfureuse Italo-Américaine, il aurait hérité le charme, le dynamisme et les cheveux en pétard façon Like a Virgin. Du chanteur irlandais, la voix suave, le charisme et les cheveux en pétard du temps de Sunday Bloody Sunday.
      Philippe mettait d’ailleurs un soin particulier à ne pas démentir ce constat. Par ses habits, son allure, sa façon de parler, il en arrivait à un tel niveau de ressemblance que les gens se disputaient les analogies de tous bords.
      Certains allaient jusqu’à dire que son parrain aurait pu être Simon Le Bon et sa marraine Kim Wilde. D’autres, qu’il tenait son excentricité de Cindy Lauper ou simplement qu’il était un clone de Robert Smith. Car il ne se bornait pas à les imiter. Il les incarnait véritablement. Il était une réplique conforme, comme une statue de chez Grévin qu’un mystérieux mage nostalgique de la période new wave aurait rendue à la vie.
      Philippe Durant acceptait sans aigreur ces comparaisons vu qu’après tout il mettait tout en œuvre pour les sublimer.
      Ce qui le tracassait plutôt depuis quelque temps, c’était de tenter de maintenir ces similitudes à un niveau acceptable malgré le fossé temporel qui ne cessait de se creuser entre ces icônes et son allure actuelle d’un homme de presque quarante ans.
      Chaque fois qu’il se trouvait devant sa glace, il sentait croître cette divergence. Jusqu’ici, il considérait son miroir comme un objet usuel, nécessaire, sorte de dernière check-list de son intimité. Il lui était uniquement indispensable pour repérer ici le col mal mis, là la mèche rebelle.
      Mais, depuis quelques semaines, outrepassant sa fonction d’observateur extérieur, ce casque bleu de l’intégrité s’amusait à refléter un ventre plus arrondi, une joue plus flasque, un cheveu plus rare.
      Telle était encore ce matin l’impression que lui donnait son reflet.
      Face à son image, Philippe ferma un instant les yeux, inspira longuement et les rouvrit. La perception était toujours là, discrète mais tenace.
      Il mit ses mains sur son ventre et le tapota gentiment. Il sourit devant ce corps plus rebondi, ces abdominaux moins visibles et ce double menton. Il était de ces hommes qui ne font presque aucun effort pour soigner leur corps. Malgré cela, et sans doute grâce à deux heures de squash par semaine et un jogging de temps en temps, il parvenait à donner le change. Il gardait une carrure athlétique et un physique agréable. Ses cheveux noirs, sans être la tignasse abondante du temps de sa jeunesse, résistaient très bien à la calvitie qui se généralisait chez tous ses contemporains. Il se payait même le luxe de laisser une mèche retomber sur son front légèrement dégarni. Ses yeux étaient noirs et pétillants, soutenus par un regard intense sur lequel un rehaussement perpétuel des sourcils polarisait l’attention.
      A bien y réfléchir, il n’était pas foncièrement perturbé par l’effet du temps sur son corps. Ce qui l’affligeait vraiment, c’était bien cet écart qui se creusait entre lui et ses modèles, et, plus largement, entre le physique et le psychique, entre l’extérieur et l’intérieur, entre le présent et le passé.
      Son corps présentait un homme de trente-neuf ans tout ce qu’il y avait de plus standard. Cependant, son esprit n’était pas du tout synchrone avec cette délicieuse apparence du gendre idéal. Il semblait en fait ne pas avoir évolué. Ou plutôt son référent était resté celui d’il y a vingt-cinq ans.
      Au plus profond de lui-même, Philippe vivait comme s’il avait encore quinze ans. C’était comme si cette période s’était brusquement figée dans sa tête et que son corps avait été obligé bien malgré lui de suivre son évolution organique, porté par le courant des années, telle une boule de flipper ricochant sans le vouloir sur les aléas de la vie. Mais il restait profondément, viscéralement, totalement ancré dans le passé. Le passé de son adolescence. Le passé des années quatre-vingt.
      Si le corollaire le plus visible de ce phénomène était un look anachronique, il y avait d’autres aspects plus abscons dans sa personnalité, notamment l’habitude de considérer les gens et les situations selon ses propres repères. Il scannait mentalement chaque personne qu’il rencontrait et la matérialisait aussitôt en la personnalité la plus représentative de sa période de prédilection. Ainsi, il voyait son voisin, un grand moustachu aux longues incisives souvent accoutré d’un singlet, sous les traits de Freddy Mercury, et la caissière revêche de son supermarché prenait des airs de Harriet Oleson.